La Croatie, nouveau plan B des étudiants en médecine

Une prépa payante de Zagreb ouvre une antenne à la rentrée à Orléans. Une manière de contourner la forte sélection qui règne en France. Une première qui suscite la polémique.

Pour contourner la difficulté du concours de première année de médecine en France, certains étudiants patent à l'étranger.
Pour contourner la difficulté du concours de première année de médecine en France, certains étudiants patent à l'étranger.

    Une prépa payante de Zagreb ouvre une antenne à la rentrée à Orléans. Une manière de contourner la forte sélection qui règne en France. Une première qui suscite la polémique.

    « Devenez le médecin international de demain ! »

    La promesse, sur le dépliant de ce qui se révèle « une première en France », ne manque pas d’emphase. Le « témoignage » de l’un des jeunes étudiants dans la vidéo promotionnelle enfonce le clou : « Je rêve d’être chercheur. En choisissant cette voie, je sais que je serai capable de publier mes recherches en anglais, contrairement aux Français. » Bienvenue dans l’univers de la Prépa MOZ, qui fait sa com sans lésiner, jusque sur Facebook, pour annoncer son ouverture à l’automne, sur le campus universitaire d’Orléans-la Source. Et glaner des candidats, tentés d’entamer de longues études de médecine au bord de la Loire, dans l’espoir de s’envoler ensuite pour Zagreb, en Croatie… Contournant ainsi la difficulté d’accès à la deuxième année, pour devenir médecin en France.

    5000 euros d'inscriptions, puis 7000 euros de scolarité/an

    Moyennant 5 000 € de frais d’inscriptions

    , l’association loi de 1901 derrière cette prépa inédite propose de sélectionner sur dossier, à remplir sur Internet, 50 « bacheliers et étudiants en 1 er cycle de profil scientifique ». Biologie, chimie, physique, anatomie, anglais figurent comme « une opportunité unique » au programme des enseignements. Au terme de cette année, sous réserve d’un 10 de moyenne, les 15 premiers pourront s’envoler pour la faculté de médecine de Zagreb, avec l’espoir — non la garantie — d’y être admis.

    Après la Roumanie, puis la Hongrie, la Croatie, depuis son entrée dans l'Union européenne en 2013, est devenue le nouveau plan B pour étudiants recalés et trop bas dans les classements du concours de première année de médecine. Assez sélectif néanmoins : il faut pouvoir payer 7 000 € d'inscription annuelle six ans de suite et parler couramment anglais pour être accueilli dans le cursus international de 50 places de la fac de médecine de Zagreb. Malgré plusieurs tentatives, impossible de joindre un correspondant au numéro affiché sur les dépliants, vantant l'honneur que l'université croate a fait de choisir la région Centre - Val de Loire « pour le premier investissement de ce genre en France ». On ne saura pas qui assure les cours. Ni dans quels locaux à Orléans, qui, faute de CHU et contrairement à Tours, n'a pas de fac de médecine. En mairie, où l'on dit être au courant mais pas partenaire, on n'en sait pas plus.

    Un contournement déjà en place depuis plusieurs années

    En attendant, la Prépa MOZ, qui selon son fil Facebook aurait enregistré son premier dossier de candidature, fait bondir. « Scandaleux ! » tempête le docteur Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). « On avait déjà depuis plusieurs années les départs vers la Roumanie ou la Hongrie d'étudiants pour contourner la sélection qui existe en France, et qui rentrent pour leur troisième cycle au bout de six ans. 458 sont ainsi revenus en 2016 : ce n'est plus anecdotique. » Choquant, estime le patron de la CSMF, qui juge qu'il serait grand temps que les études de médecine à la française se réforment. « Chaque année pour 2 500 gamins qui attaquent une première année dans un amphi, vous n'en avez que 150-200 qui passent en deuxième année. Au bout de deux tentatives, vous en retrouvez 2 000 sur le carreau et brisés à 19 ans. Contourner le système par l'étranger ne s'offre qu'aux initiés, qui peuvent en outre se permettre plus de 35 000 € en seuls frais d'inscription. Avec cette prépa qui vient carrément les chercher ici, s'indigne Jean-Paul Ortiz, on franchit encore un cran dans ce qui traduit en fin de compte la faillite du système universitaire français et de son ascenseur social. »

    Mise à jour du 9 juillet : la prépa d’Orléans reportée

    La Bronca suscitée dans les rangs médicaux par le projet d’ouverture d’une formation privée, promettant dès septembre de préparer les étudiants à la médecine internationale et à leur intégration à la faculté de médecine de Zagreb, a interpellé aussi le rectorat d’Orléans-Tours. Marie Reynier, la rectrice, a saisi le secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur de ce projet d’une association pas tout à fait « dans les clous », soulignant au « Quotidien du médecin » que la prépa n’ouvrirait pas à la rentrée. « Reporter d’une année paraît une sage décision », confirme le président de l’association derrière cette prépa MOZ (pour Médecine Orléans Zagreb), reçu au rectorat. Professeur à l’université d’Orléans, Hechmi Toumi réfute vouloir ouvrir une voie — lucrative — de contournement aux recalés du concours de médecine en France.

    Claudine Proust

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